Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 septembre 2020 5 18 /09 /septembre /2020 05:16

Existe-t-il un seul autre mot de la langue française qui puisse regrouper autant de sens, de significations différentes, que le mot Amour ?  Déjà qu’il ait, ou pas, une majuscule va définir deux catégories. Les grecs utilisaient trois mots principaux : eros, agape et philia et cinq mots secondaires : ludus, mania, philautia, pragma, storgé et xenia pour exprimer l’ensemble des sentiments que nous regroupons, confondons ainsi.

 

Ces mots grecs ont essaimé en français,

 

Pour Eros, nous avons l’érotisme. Que l’on assimile trop souvent à l’amour physique, à la sexualité, alors qu’il relève plutôt de la séduction. Qui provoque le désir, par opposition à l’amour platonique, considéré comme plus éthéré, spirituel sans attraction physique. Une sensibilité à la beauté, une émotion esthétique. Eros, dieu de l’amour et du désir amoureux. Personnifié par un jeune homme qui, comme les angelots du XVIIIème siècle, décoche des flèches qui transmettent l’amour. La blessure de la passion amoureuse inassouvie.

 

Pour agape, nous avons l’agape ou les agapes. Réunion conviviale, le sens pouvant être de l’amour convivial, ou d’amour de la convivialité. Plus proche de l’amitié en français. En grec il s’agissait de l’amour divin, inconditionnel, absolu. Qui a donné son nom au repas des premiers chrétiens, dont le sens s’est progressivement élargi jusqu’au repas copieux et joyeux entre amis.

 

Pour philia, nous avons l’amour filial, la filiation. L’amour que porte un enfant à ses parents. Qui me semble, pour l’avoir expérimenté moi-même, assez différent de l’amour fraternel qui comporte une dimension d’égalité, alors que l’amour filial comporte une dimension de respect hiérarchique de l’enfant vers le parent.

 

Ludus, goût du jeu, amour ludique, désir de s’amuser, les jeux de l’amour et du hasard. Fleureter, aller de fleur en fleur, adopté par l’anglais avec un « i » à la place du « eu », le flirt. La quête, la recherche de l’amour, la tentative, l’essai, en font partie. L’échec y est sans conséquence. La réussite amenant à passer à d’autres catégories.

 

Mania, qui donne en français maniaque. La manie, l’obsession. C’est la passion qui relève du trouble mental. Qui détermine des troubles du comportement. Peut effrayer à la fois celui qui en est l’objet et celui qui l’éprouve. Entraine un besoin de contrôle, voire de possession.

 

Philautia, amour de soi, amour propre, une haute idée de soi-même. Qui peut mener à la vanité, à l’égoïsme, mais peut également avoir un côté positif. Il faut être capable de s’aimer pour pouvoir aimer les autres. En outre, c’est le sentiment qui incite à se dépasser, à être meilleur, sinon le meilleur.

 

Pragma, qui a donné en français pragmatique est orienté vers l’action pratique, réaliste et concrète. Pragmatisme, qui se fie à l’expérience, à la réalisation concrète, qui ne se fie pas à une théorie ou une idéologie. Le sentiment restant lui-même dans la réalité concrète, sûr, stable, pérenne.

 

Storgé est en sens inverse de philia, amour du parent pour son enfant. Amour maternel ou paternel. Qui comporte une dimension de protection, de soin de l’adulte envers l’enfant. Celui-ci pouvant perdurer lorsque l’enfant murît.

 

 

Xenia, qui en constituant la racine, pourrait être décrit comme xénophile, à l’opposé de xénophobe plus souvent utilisé. Accueillant, hospitalier, qui a de la sympathie pour les étrangers. Qui apprécie les différences de mœurs et de culture. Cette tendance est généralement associée à générosité et courtoisie.

 

De nombreux mots évoquent l’amour, à base de phile, comme philosophie, qui aime la sagesse. Mais nous trouvons aussi drosophile, insecte qui aime la rosée. Le phylloxera, puceron ravageur de la vigne.

 

A base d’amou, comme amoureux, amourette, amouracher, d’ama, comme amant, amateur, mais il y en a de nombreux autres dont le sens ne correspond en rien à l’amour. 

 

Que peut-on conclure de cette analyse ? Que l’amour n’est pas seulement un enfant de bohême qui n’a jamais connu de loi ? Que la diversité des sentiments exprimés peut manifester une grande confusion, dans les esprits et dans les mœurs ?

 

Si l’on en juge par le nombre de femmes violentées par leurs conjoints ? Par le nombre de crimes commis au nom de l’amour ? Individuels, pour « l’être aimé » ou contre lui ? Au nom de l’amour de la patrie ? En Allemagne, au Viêt-Nam … ? Dans tellement d’autres domaines, lieux, temps … Pour un seul mot !

 

Ou plutôt par les œuvres poétiques, romanesques, théâtrales ?

 

Savons-nous vraiment ce que nous disons, ce qui est entendu, quand nous disons : « Je t’aime » ?

 

 

 

                                                                                  Marc Albert CHAIGNEAU

 

                                                                                  27/04 – 18/09/2020

Partager cet article
Repost0

commentaires