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27 août 2021 5 27 /08 /août /2021 05:16

Notre société ne devient-elle pas de plus difficile à vivre, pour la plupart d’entre nous ? Et il me semble que la cause provient notamment d’une confusion entre l’utilité et le pouvoir de nuisance.

 

Cette confusion est née de la division du travail  et de la spécialisation, qui en est la conséquence. Il existe de nombreux exemples prouvant que, globalement et individuellement, la capacité de nuisance est devenue, dans le fonctionnement de notre société, un facteur plus important que le service rendu, l’utilité.

 

Il me souvient d’un temps où la considération allait à des médecins, à des professeurs, des enseignants, des avocats, des notaires, des magistrats, de grands commis d’administration, dont la notoriété, la gloire, était assurée par la reconnaissance des éminents services qu’ils rendaient à la société. Le plus souvent localement, mais aussi régionalement et parfois même à l’ensemble de la nation.

 

Ils étaient connus, reconnus et appréciés pour leurs éminents travaux. Et ceux qui, plus modestement, accomplissaient des tâches utiles, contribuant à l’enseignement, à la santé, à la justice et au fonctionnement harmonieux de la société, étaient également reconnus pour les services rendus. Dans les cercles plus ou moins larges au sein desquels ils vivaient.

 

La relation personnelle, individuelle, était importante. Chacun gardait le souvenir de ses maîtres d’école, de son médecin de famille, connaissait son facteur, son inspecteur ou contrôleur des impôts, les employés municipaux et ses édiles. Ceux qui y avaient été confrontés connaissaient leur avocat, avaient un notaire de famille, un proche ou une relation, travaillant pour l’administration. Leurs noms, leurs prénoms souvent, leur fonction, leur carrière, parfois même leurs liens familiaux.

 

Tout cela a bien changé ! Le progrès, chère Madame, est passé par là. Les techniques, instruments, appareils, se sont développés jusqu’aux automatismes, aux robots et aux mal nommés ordinateurs, que nous devrions appeler des « computeurs », comme nos amis anglo-saxons, puisque leur principale fonction consiste à collationner et computer des données. Le verbe « ordiner » n’existe pas, on ne saurait quel sens lui donner. Ce n’est pas ordinaire. Et aux téléphones mobiles, qui ont tellement de fonctions, photographiques, écrites, que la phonie y est devenue très secondaire. Le nom de cellulaires leur conviendrait mieux.

 

La stratégie des directions des entreprises, j’y ai particulièrement été confronté professionnellement pour les banques, a été de combattre la relation personnelle, afin de concentrer le pouvoir au sommet des hiérarchies. Ceci existe dans de nombreux domaines. Rendre les collaborateurs, les instruments, interchangeables en les déplaçant, ce que j’ai appelé le « jeu des chaises musicales ». On ne laisse jamais un collaborateur longtemps à la même place, de façon à empêcher que se nouent des relations personnelles. Et surtout une connaissance réelle du terrain, de la clientèle, qui ferait perdre le contrôle absolu à la direction. Pour cela ne se fier qu’à des abstractions, des marques, à des statistiques, des chiffres abstraits qui masquent la réalité. Ceci aboutissant nécessairement à une déshumanisation, à une division du travail telle que l’on ne maîtrise jamais les résultats. Au désintérêt, à la démotivation et à des comportements anarchistes, « gilets jaunes », voire nihiliste.

 

Personne n’accomplissant plus que de petites parcelles des tâches inintéressantes, ceux qui en tirent les avantages et la gloire, n’y ont généralement contribué en rien. Puisque la grande mode, en France, consiste à confier la direction des tâches, à des personnes incapables de les accomplir. A choisir pour diriger la plus grande entreprise de téléphonie à quelqu’un qui n’a pas la moindre connaissance dans le domaine. Qui même lorsqu’un spécialiste lui explique, n’y comprend rien. Des laboratoires pharmaceutiques à des financiers. Des établissements de soins à des administratifs, pire, à des politiques.

 

Personne ne pouvant plus se prévaloir des services rendus, comment faire entendre sa voix ? A des politiques qui généralement ne connaissent rien aux problèmes qu’ils ont à résoudre. Et doivent se fier à l’avis de spécialistes sous contrôle des dirigeants des sociétés du domaine concerné. On utilise les termes de « groupes de pression » ou de « lobbyiste » (néologisme anglo-français, influenceur pour le compte de groupes de pression). Mais ce ne sont que des personnes motivées par des mobiles purement financiers.

 

Face à cette situation, comment faire entendre sa voix ?

 

Les médias ne sont plus que le héraults des dirigeants, qui eux-mêmes se prennent pour des héros infaillibles et invincibles. Qui n’hésitent pas à dire tout et n’importe quoi. Quitte à se contredire dans les jours qui suivent, n’admettant pas la critique que peu se permettent. Entendant tout et n’importe quoi, la confusion règne dans tous les esprits et dans tous les domaines.

 

Pour le petit rouage méprisé, celui qui n’accompli qu’une parcelle de tâche à laquelle il ne peut plus porter le moindre intérêt, il reste le blocage, la capacité de nuisance. Dans un système, il suffit qu’un des rouages cesse de fonctionner pour que le système s’arrête. Parfois un seul boulon dévissé suffit.

 

Les « gilets jaunes » ont-ils compris cela ? Je n’en suis pas sûr. Mais ils ont constaté le résultat. Les dirigeants aussi, qui se refusent à perdre le contrôle et à leur habitude, vont chercher à renforcer le système défaillant, plutôt que d’en changer.

 

Les dirigeants méprisent la population et s’étonnent d’être eux même méprisés. Le respect, la considération, comme le mépris, ne se méritent pas, ils s’échangent. On n’admire pas celui qui vous méprise, d’autant moins qu’il vous le fait plus sentir, qu’il vous le manifeste par ses attitudes et son discours. On le méprise ou on le hait. On peut passer progressivement de l’un à l’autre.

 

C’est le chemin que nous semblons suivre. Dommage ?

 

 

                                                                                  Marc Albert CHAIGNEAU

                                                                                  SURESNES 11/02/2017-27/08/2021

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