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22 septembre 2015 2 22 /09 /septembre /2015 05:46

L’image a été proposée de considérer les entreprises et travailleurs, forces vives de la nation, comme un cheval portant un jockey constitué des administrations. Cette image est bien sûre caricaturale et certains ne se sont pas privé de le dénoncer. Elle conserve, si on se donne la peine de l’affiner, une valeur. La force, le cheval, est constituée de la création de richesses, de biens et de services. L’obésité du jockey vient des obligations et charges, notamment administratives, inutiles ou indues, voire nuisibles.

La critique, elle-même caricaturale, vient de ceux qui vont considérer que la sûreté, assurée par la police, la santé, assurée par le corps médical et le système de soins, participent au jockey, à la charge du cheval. Le jockey n’est pas celui-là. Ces tâches sont utiles, nécessaires, voire indispensables. Ce qui constitue la charge indue n’est pas là. Elle se trouve dans la multiplication des fonctions et des tâches inutiles, qui grèvent le coût à la fois des biens et services des entreprises mais également ceux des services publics.

Il serait difficile d’en faire un inventaire qui, de toute façon, ne saurait être exhaustif. Mais il est assez facile de trouver des exemples significatifs. Dans le système de santé, qui n’a été frappé par la multitude et l’ampleur des tâches administratives, qui se sont développées au détriment des soins et des prestations. Ayant fréquenté les hôpitaux il y a une cinquantaine d’année, l’on y croisait rarement un administratif pour vingt ou vingt-cinq soignants. Désormais, par la financiarisation et la multiplication des tâches, il y a, au sein du système social, plus d’administratifs que de soignants. Il suffit d’interroger le personnel médical pour se rendre compte de la faible efficacité ou même de l’inefficacité de ces tâches administratives. Pour chaque fonction, chaque catégorie, il a des services, des caisses, des bureaux … Parfois même plusieurs.

Ceci étant vrai dans à peu près tous les domaines ou intervient l’administration publique. Pour avoir fréquenté la police, j’ai également pu en constater l’évolution depuis quelque dizaines d’années. Les rapports et tâches administratives y sont devenus plus importants que les missions de sûreté.

Mais, comme dans de nombreux autres domaines, les finances sont largement en tête. Et pourtant de nombreux jeunes agents se rendent compte que la fiscalité est d’autant plus injuste qu’elle est compliquée. Que la simplicité favorise les plus modestes et les plus honnêtes et la complexité les plus riches et les plus malhonnêtes. Que néanmoins chaque année, la fiscalité gagne en complexité à un point tel qu’eux-mêmes sont obligés de se limiter à une branche de la fiscalité, pour ne plus pouvoir se retrouver dans la diversité de ses arcanes.

Certains phénomènes manifestent particulièrement bien les dérives du système et combien les critères de justice et d’efficacité en sont écartés, pour ne plus survivre que dans des discours.

Sur le plan législatif, un phénomène est particulièrement frappant. Si l’on compare les textes classiques, depuis le Code Napoléon, par exemple, ceux-ci traitaient du cas général. Les cas particuliers ou marginaux étant, soit traités séparément, soit laissés à l’appréciation des tribunaux. Les textes actuels sont construits à l’inverse. On les détermine à partir des cas marginaux. Si, dans 10.000 cas, les choses se sont déroulées d’une façon « normale », mais dans un ou deux cas, des scandales ont fait la une de la presse, il ne sera tenu aucun compte des 10.000 cas normaux, mais le législateur se concentrera sur l’exception pour légiférer. Ce qui me semble délirant, électoraliste, démagogique, mais aberrant. Et explique la grande quantité et la très mauvaise qualité des textes actuels.

Leur inefficacité également. Les exemples pourraient être nombreux, mais la loi ALUR fournit un exemple particulièrement remarquable d’effets à l’opposé des intentions déclarées. Cette loi était, (est ?) en principe, ou d’après les déclarations de son initiatrice, (qui a fui ses responsabilités depuis) destinée à favoriser le logement des candidats locataires et favoriser l’accession à la propriété des personnes modestes. Ce, en considérant qu’il avait été commis des abus, par certains bailleurs, promoteurs ou intermédiaires immobiliers. Ces abus représentaient une infime minorité des opérations. Et pour éliminer 1 ou 2% d’abus, on impose des contraintes, inutiles, longues, lourdes et coûteuses à 100 % de celles-ci. Cet exposé peut sembler caricatural, il correspond au vécu des intervenants et les choses ne vont pas en s’améliorant. Sans compter qu’un certain pourcentage de fraude est inévitable et que la responsabilité des intervenants est beaucoup plus efficace pour l’éviter, que n’importe quelle loi ayant jamais existé.

Le malaise et la démotivation sont profonds. Que dire d’un président dont l’élection a été principalement obtenue dans la promesse d’une résorption du chômage, qui, ayant rapidement abandonné son engagement et ainsi renoncé à la légitimité de son mandat, n’est même pas parvenu à inverser la courbe. Ambition pourtant bien dérisoire.

Les divers discours sur ces sujets, entretiennent une cacophonie telle, chacun prêchant pour sa paroisse, que les gouvernants en justifient leur immobilisme.

Il est clair que s’il s’agit de modifier ou réduire tel ou tel impôt, d’alléger telle obligation, chacun préfère être débarrassé de ce qui le frappe. Que le souci du voisin lui importe beaucoup moins. Que de ce fait, toute sélection est difficile, qui va satisfaire les uns au détriment des autres.

La solution ne se trouve donc pas là, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas.

Certaines mesures, auxquelles il a été renoncé, seraient à la fois populaires et efficaces. La règle de non cumul des mandats a recueilli, au sein des populations, une adhésion largement majoritaire. Seul le personnel politique, en théorie représentant de ses intérêts, mais pratiquant la charité bien ordonnée, s’y est opposé et a, malheureusement, eu gain de cause.

Quiconque a jamais été confronté au labyrinthe des contraintes administratives, sait combien la multiplicité des autorisations, services, démarches, ont un caractère Kafkaïen. Et pourtant la solution est simple, il suffit d’accorder à une administration, un service, l’exclusivité de la délivrance d’un accord administratif. Qu’une fois un service saisi, aucun autre n’ait pouvoir pour intervenir dans le dossier, sauf à passer par lui. Il vaudrait mieux, pour éviter le genre d’usine à gaz instauré dans le retournement du sens du défaut de réponse de l’administration, où le remède est pire que le mal, fixer des règles simples d’application générales. Qu’aucune exception ne vient remettre en cause.

Marc Albert CHAIGNEAU

Puteaux, le 3 juin 2015

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