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30 mars 2020 1 30 /03 /mars /2020 10:47

Je reçois, comme tout un chacun, de nombreux films et messages en faveur du traitement du Covid 19 par la Chloroquine, d’autres dénonçant un complot contre ce traitement.

 

Je ne crois pas qu’il existe, à proprement parler, un complot. Ce dont je suis convaincu, c’est que deux logiques s’affrontent.

 

Le première, celle de médecins urgentistes, ou qui ont conservé cette mentalité de médecine hospitalière de soins d’urgence, proche des malades, sensible à leur souffrance. En première ligne, elle-même affectée. Comme ce jeune médecin chinois donneur d’alerte, Li Wenliang, qui en est mort. Qui en France a trouvé son héros en la personne du professeur Didier Raoult, autorité internationalement reconnue en virologie.

 

L’autre administrative, qui ne s’intéresse pas aux malades, mais seulement au nombre de malades. Pas plus aux morts, mais au nombre de morts. Sa logique est celle de la centralisation et de la concentration du pouvoir. De la généralisation qui ne peut s’obtenir que par l’abstraction. Depuis maintenant plusieurs décades, les différents gouvernements prétendent rentabiliser le système social et particulièrement le système de santé, en le démantelant, du fait de dérives de coûts et de manque de rentabilité.

 

Les arguments présentés sont erronés et fallacieux à de nombreux égards.

 

Sur le plan de la dépense, sont accusés et rognés les salaires des personnels médicaux. Des services, des hôpitaux sont fermés, des lits supprimés. Et dans le même temps les coûts administratifs ne cessent de croitre dans des proportions affolantes.

 

Dans mon enfance, au cours des années soixante, du fait de la maladie de mon père qui était hémophile, j’ai beaucoup fréquenté les hôpitaux. Le contact avec le personnel soignant était direct. Je ne pense pas qu’il existait un administratif pour vingt ou vingt-cinq soignants. Ces dernières années, du fait de mes propre problèmes de santé, je fréquente beaucoup les hôpitaux et force m’est de constater qu’on y rencontre désormais plus d’administratifs que de soignants. Qu’en outre, les soignants eux-mêmes sont submergés par les tâches administratives.

 

Il est bien connu, depuis la fin du dix-neuvième siècle, Clemenceau* la dénonçait déjà, que la principale fonction de l’administration est de créer de l’administration. Nous avons, dans ce domaine, largement dépassé le seuil du tolérable. Et tous ceux qui y sont confrontés se rendent bien compte qu’une grande partie des travaux administratifs n’est d’aucune utilité réelle. Que rendre systématiquement compte, à de nombreux niveaux, donc de nombreuses fois, par de nombreuses personnes, de tâches qui ont été accomplies sans poser aucun problème ne sert rigoureusement à rien. Sauf à des responsables administratifs et politiques à se prévaloir de résultats, auxquels ils n’ont contribué en rien.

 

C’est ce phénomène, né de la concentration des données, nécessairement abstraites, qui aboutit à cette logique. C’est vrai dans notre système de santé, c’est vrai pour le reste de la société. Au sommet d’une hiérarchie, chaque cas ne peut être traité de façon spécifique. Il ne peut être pris en considération que de façon globale, statistique. Donc totalement déshumanisée. Si on regroupe les cas en grands nombres, aucune différence n’apparaît plus. Aucune spécificité. On ne traite plus le cas, on traite le nombre. Et au sein de celui-ci, si un masque plus un masque font deux masques, un tube à essai et une ambulance font également deux. On ne distingue plus rien. La réalité a été totalement effacée. J’ai déjà décrit le phénomène dans le domaine de la finance, dans mon livre « Le dogme de l’équilibre financier » et la nature de la crise dans « Crise financière ou de société ».

Cette méthode a permis à l’administration de prendre le contrôle du système social et il est clair qu’elle ne laissera pas sans combat, les médecins reprendre ce contrôle. Elle aussi a ses champions Agnès Buzin et son mari Yves Lévy. Et le puissant soutien de l’administration, comme celui des laboratoires qui, il est facile de s’en rendre compte par le choix des dirigeants, ne considère plus le médicament que comme un moyen de faire des profits, la réelle efficacité médicale ne faisant plus partie de leurs préoccupations.

 

Ces deux logiques s’affrontent et la plupart d’entre nous, plus ou moins consciemment, adhèrent à la mentalité urgentiste contre la mentalité administrative. Croît ainsi participer à une forme de lutte du bien contre le mal et avoir bien choisi son camp.

 

Ce qui est parfaitement faux. Nous sommes tous responsables de cette situation, de cet abandon du pouvoir à l’administration. De cette centralisation, de cette concentration du pouvoir au sein de la bureaucratie. Trotski la dénonçait déjà comme méthode utilisée par Staline pour la prise de pouvoir.  Et nous avons largement dépassé la bureaucratie soviétique. Tous ceux qui l’on vécue dans les pays de l’Est pourront vous le dire. C’est en refusant d’assumer les conséquences de nos actes que nous abandonnons le pouvoir à l’administration.

 

L’administration ne peut pas, ne sait pas traiter les cas ponctuels, individuels. Elle ne sait traiter que les cas généraux. De façon abstraite, déshumanisée, en remplaçant l’égalité par l’uniformité. Et en développant la bureaucratie. Un papier que nous jetons, nécessite un employé municipal pour le ramasser, un chef pour organiser et répartir les tâches. Une personne chargée de l’embaucher, une pour gérer ses salaires, une autre pour approvisionner le matériel, un lieu pour le stocker, d’autres pour coordonner, comptabiliser, administrer … Ce seulement dans ce cas le plus simple et évident.

 

Nous sommes tous responsables et nous ne résoudrons nos problèmes qu’en assumant personnellement, individuellement et collectivement par cercles concentriques, nos responsabilités. Les conséquences de nos actes. En commençant par y être attentifs.

 

 

                                                                                              Marc Albert CHAIGNEAU

                                                                                              Puteaux le 30 mars 2020     

 

 

*  « Les fonctionnaires sont comme les livres d'une bibliothèque: ce sont les plus haut placés qui servent le moins. » Georges Clemenceau

 

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