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29 juin 2011 3 29 /06 /juin /2011 06:00

Le sens des mots est remis en cause et se dégrade.

 

Il existe beaucoup d’exemples :

 

-                     appeler les « voyous » de banlieue, des « jeunes, »

-                     les « bonnes » ou « femmes de ménages » : « employées de maison, » voire « techniciennes de surface »

-                     les « noirs » : « hommes de couleurs »,

-                     les « violences » : des « incivilités »,

-                     les « aveugles » des « non voyants »,

-                     le « pouvoir » des « responsabilités »,

-                     « l’uniformité », « l’égalité »,

-                     « les impositions », des « contributions »…

 

Les exemples pourraient être multipliés à l’infini.

 

-     la forme interrogative n’est plus respectée,

-     la grammaire est abandonnée,   

-     les messages publicitaires détournent les mots par des slogans…

 

Cela porte le joli nom de « langue de bois », au départ, ce sont des euphémismes, des litotes, des « images », des artifices de langage destinés à ne pas choquer. Progressivement, cela devient une forme de dissimulation, de mensonge.

 

Le comportement social est, en même temps, la somme et l’interaction des comportements individuels. Le comportement individuel est le reflet de la pensée. Celle-ci s’organise et se structure par le langage. L’absence de maîtrise de la langue détermine, individuellement et collectivement des désordres du comportement.

 

En fait, toutes ces formules n’ont un seul but : masquer le réalité de faits.

 

A qui ?  Pourquoi ?

 

Les voyous, c’est, « soit disant » pour ne pas accroître leur exclusion, leur rejet de la société, celui-ci étant légitime, car elle ne les a pas gâtés. Pour atténuer le caractère péjoratif de leur situation. Afin de leur permettre d’être respectés.

 

C’est faux, la plupart, rejetant effectivement la société dont ils se sentent exclus, se moquent éperdument des termes dont on les qualifie. « Voyous » ou « jeunes » leur est parfaitement indifférent. Leur rejet de la société n’en est ni plus, ni moins légitime. Les autres, ceux qu’ils rejettent, dont ils sont envieux, jaloux, n’étant pas : « gâtés par la société », mais par leurs parents, leur famille, leur milieu, leur éducation.

 

Leur rejet de la société s’adresse d’abord à leurs parents, leur famille, leur milieu, dont ils voient, particulièrement dans des journaux et des séries télévisés : qu’ils sont défavorisés. En d’autres temps, cela incitait à développer des ambitions, l’envie de sortir de sa condition. Actuellement, la prépondérance, la mainmise de l’état, la répression, le fonctionnement de la société, le manque de fraternité, la mondialisation et la perspective du chômage, déterminent un désespoir de ne pouvoir sortir de cette situation.

 

Pour les bonnes et femmes de ménage, ce qui est actuellement dégradé, ce ne sont pas seulement les mots, ce sont les réalités de la fonction. Il n’est pas considéré comme valorisant de faire le ménage, d’être une femme au foyer. Ce qui est apprécié, c’est d’être une femme libre, active, qui travaille à l’extérieur. Ce modèle de femme est surtout valorisé par la publicité. Ce sont de bien meilleures consommatrices que les femmes au foyer. A cela de multiples raisons :

 

-                     elles disposent de leurs propres revenus, n’ont donc pas besoin de demander à leurs maris,

-                     travaillant, généralement à plein temps, elle n’ont pas, comme les femmes au foyer, le temps de faire les choix, de rechercher les meilleurs rapports qualité-prix, elles sont donc beaucoup plus influençables par la publicité : globalement : de bien meilleurs consommatrices.

 

Faire le ménage chez les autres est considéré comme une activité dégradante, qui n’est exercée que par celles et ceux, qui ne trouvent aucun autre moyen d’existence.

En réalité, c’est une activité enrichissante, valorisante, qui participe de plusieurs valeurs. Elle concerne d’abord l’hygiène et la propreté, ensuite l’ordre, le classement qui permet de savoir ce que l’on a et de retrouver facilement les objets : « Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place ». Enfin, elle participe de l’art de vivre, de la convivialité, de l’art de recevoir, de la décoration, des arts de la table, de l’élégance, de la grâce, par l’entretien des vêtements. C’est une noble tâche, qui devrait être réalisée en famille.

 

Les noirs, pourquoi les appeler « hommes et femmes de couleur » ?

 

Les noirs ont été appelés ainsi par opposition aux blancs.

Cette opposition se trouve caractérisée, focalisée, sur l’esclavage des noirs par les blancs.

 

Il existe un complexe de culpabilité latent, fondement de racisme, à la fois chez les noirs et chez les blancs, né de cette focalisation.

 

L’expression « hommes de couleur » est un euphémisme, un artifice pour masquer ce complexe.

 

En réalité, on sait maintenant, que l’esclavage n’a pas été le fait des seuls blancs. Que des noirs ont contribué, quand ils n’étaient pas à l’origine par des conflits, des combats, aux déportations ayant abouti à l’esclavage.

 

En outre, en d’autres temps, en d’autres lieux, des blancs ont été réduits en esclavage. Moins nombreux, plus ou moins anciens, moins connus.

 

Il fût un temps ou l’on désignait, ceux qu’on appelle aujourd’hui asiatiques, sous la dénomination de « jaunes ».

 

Il suffit donc d’utiliser les termes d’africains et d’européen, ce que certains font déjà. Ce n’est pas entièrement exact. Il existe des asiatiques et des africains nés en Europe, il existe et il existera de plus en plus d’européens, nés en Asie et en Afrique. Cela permet, au moins temporairement, d’échapper au dilemme de l’opposition : « noirs - blancs », et à son contenu historique de prétendue supériorité et des complexes en découlant.

 

Changer les mots est une façon de dissimuler les problèmes, un artifice pour n’avoir pas à les résoudre.

 

Traiter les violences et les destructions d’incivilités a pour but d’atténuer la responsabilité des dirigeants dont l’imprévoyance, les erreurs, les fautes, sont à l’origine. Masquant la gravité de la situation, cela permet d’éviter d’y faire sérieusement face.

 

Les « non voyants » paraissent-ils moins handicapés que les «  aveugles » ? En quoi ce terme est-il choquant ? Doit-on appeler les paralysés des « non mobiles » ? Nier la réalité, la dissimuler ne leur rend pas service. L’effet est même généralement inverse.

 

Les dirigeants, qui accèdent au « pouvoir », se font soit disant confier des « responsabilités », que personne n’assume en réalité, puisque la responsabilité consiste à devoir réparer les dommages causés, ce qu’ils ne font jamais.

 

Dans la plupart de domaines, et notamment au regard de l’administration, on ne connaît plus le sens du mot égalité, la déclaration des droits de l’homme parlant d’égalité « en droits », et parce que c’est plus facile, plus simple à contrôler, on substitue « l’uniformité » à « l’égalité ».

 

La même déclaration des droits de l’homme définit l’obligation pour le citoyen de « contribuer ». Rechercher une véritable « contribution », qui serait l’expression des compétences et des désirs de chacun, serait accorder une liberté, une réduction des pouvoirs des dirigeants, imposer, contraindre, réprimer par « l’imposition », assure à ces même dirigeants un pouvoir de coercition, un contrôle, et par là le moyen d’exercer seuls les choix et de les « imposer ».

 

Si ces exemples sont les plus caractéristiques, de la dégradation du sens des mots et de la langue, il en existe beaucoup d’autres.

 

En grammaire, l’abandon de la forme interrogative : l’inversion, réduit le champs des réponses possibles. L’affirmation dont le ton est interrogatif, fournissant potentiellement une réponse ne donne d’autre choix que d’adhérer ou de rejeter, déterminant un comportement de domination - soumission.. Ceci apparaissant désormais dans toutes les classes ou toutes les couches de la population.

 

On reproche aux jeunes de banlieue de ne s’exprimer qu’avec 2500 mots, les journalistes et les hommes politiques, n’en utilisent pas beaucoup plus. Ce ne sont pas tout à fait les mêmes. C’est supposé leur permettre d’être compris par le plus grand nombre. En réalité, cela aboutit à un nivellement par le bas (Peut-on niveler autrement ?). Dans l’histoire, cela a toujours été utilisé comme un mode de domination. L’abrutissement des masses. C’est encore le cas aujourd’hui.

 

Cette dégradation donne des formulations horribles à entendre :

 

«  On peut faire quoi, pour vous aujourd’hui ? »

 

donnerait en bon français :

 

« Que pouvons nous faire, pour vous, aujourd’hui ? », qui est tout de même beaucoup plus élégant, agréable et valorisant pour l’auditeur.

 

Dans le domaine de la politesse, la situation paraît désespérée :

 

En cas de gêne ou de trouble apporté à un tiers, la politesse et le bon français, supposeraient de dire : « Je vous prie de m’excuser. »

Les personnes qui simplement demandent « pardon », ou « excusez moi », paraissent d’une grande finesse, le plus courant étant : « Je m’excuse ! », à quoi je réponds habituellement : « Pas moi. », en étant rarement compris.

 

Le comportement actuellement le plus répandu étant : « Chacun pour soi et Dieu pour tous ». Lorsqu’au seuil d’une porte, on s’efface pour laisser passer une dame ou une personne âgée, la plupart des personnes à proximité se précipitent, bousculant éventuellement le bénéficiaire de la galanterie, pour passer les premiers.

 

Ce type de comportement, agressif, violent, est une manifestation du rapport de compétition qui a remplacé la fraternité.

 

La devise qui orne le fronton de la république comprend la fraternité. « Lien unissant des êtres qui, sans être frères par le sang, se considèrent comme tels. » pas la compétition : « Rivalité entre des personnes ou des groupes de personnes en vue d'obtenir une dignité, une charge, une fonction et, par ext., un avantage… »« Extraits du Dictionnaire de l’Académie ».

 

Les notions, les termes, paraissent tellement opposés, qu’ils en deviennent contradictoires et incompatibles.

 

L’idée qui s’est substitué à la politesse est le respect. Il semble que tout le monde veut en recevoir et que personne ne veuille en donner. Ceci repose sur une confusion. Le respect se manifeste par la politesse. Il s’obtient par l’échange et non par le mérite, encore moins par la force ou la contrainte. Ces derniers permettent d’obtenir des signes d’allégeance, que certains confondent avec les marques de respect, qui s’étonnent de leur disparition, pourtant inéluctable, avec celle du lien de dépendance.

 

Beaucoup de termes ont subi une sorte dévalorisation historique. Celui de « collaboration » qui reste marqué par son usage pour qualifier ceux qui ont collaboré au régime Nazi. Son sens réel est (cf. dictionnaire de l’Académie) : « fait de travailler avec une ou plusieurs personnes à une œuvre commune. » Ce qui est plus proche de la fraternité, que de la compétition.

 

L’expression : « travail, famille, patrie » a également été marquée par le régime de Vichy, ses termes n’en restent pas moins des valeurs fondamentales, mais oubliées, de notre société.

 

La nature et le naturel ont, comme beaucoup d’autres termes, été « dévoyés » par la publicité. A un point tel qu’un nouveau terme a été créé pour les remplacer qui est : « l’écologie », généralement utilisé au sens de respect de la nature, « écologique » pour naturel, alors que son sens est : « Étude des conditions nécessaires au développement harmonieux des êtres vivants : mesures propres à assurer la survie des espèces existantes, élimination des facteurs qui menacent l'équilibre biologique… » (cf. dictionnaire de l’Académie Française). 

 

L’action la plus destructrice, la plus dommageable pour la langue, semble provenir de la publicité. En principe, il lui est interdit d’être mensongère ou déceptive. (Articles L 121-1 et suivants du code de la consommation) En fait, il est presqu’impossible de trouver un message publicitaire qui ne le soit pas. Principalement au regard des résultats à attendre des produits. Afin d’éviter de tomber sous le coup de la loi, les publicitaires s’abstiennent de mentions qui seraient expressément fausses ou mensongères, au moins sur le plan de la « raison » ou du « conscient ». Pour obtenir le même résultat, d’une façon qui s’avère encore plus efficace, ils s’adressent à « l’inconscient ». Montrant des situations impossibles, utilisant des termes dans des sens figurés, des allégories, des euphémismes, la plupart des formules de rhétorique. Tout ceci est faux, mensonger, trompeur, c’est toléré parce que « personne de raisonnable ne pourrait s’y laisser tromper ». C’est faux, si c’était effectivement le cas, les publicitaires n’utiliseraient pas ces méthodes. En outre, cela affecte le sens des mots. Ceux-ci restent marqués par les messages publicitaires auxquels ils contribuent, les déformations ne se limitant pas au sens des mots, mais portant sur l’ensemble de la langue, la grammaire, la dialectique. Il arrive que des messages publicitaires soient présentés comme des arguments.

 

La maîtrise du comportement, individuel ou collectif, repose sur un système de valeurs, elle est le reflet de la pensée, celle-ci est organisée, structurée par la langue.

 

Il est impossible de maîtriser son comportement, si l’on ne maîtrise pas sa langue et sa pensée. A une langue primitive correspondent des pensées et des comportements primitifs.

 

Les confusions et les contradictions qui existent dans certains mots, se reflètent dans la pensée, et s’expriment dans les comportements individuels et sociaux.

 

 

                                                                      

                                                                       Marc Albert CHAIGNEAU

                                                                       PUTEAUX, du 6/10/ 2006 au 24/05/2007

 

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