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11 juillet 2020 6 11 /07 /juillet /2020 07:34

Dans la presse, dans les débats, dans de nombreux livres et articles, il est question de paradis fiscaux. Mais l’enfer fiscal, pour être exact, les enfers fiscaux, ne sont pas un sujet. Ceci me surprend et c’est un manque auquel il me semble nécessaire de remédier.

 

En effet, le paradis ne peut exister que par rapport, par référence et opposition, à l’enfer. Comme le bien ne peut exister que par rapport au mal. S’il existe des paradis fiscaux, dans lesquels se réfugient certains, ce n’est pas à leur décès, en récompense de bienfaits accomplis dans le monde d’en bas. Mais pour échapper à un vécu infernal.

 

Ce qui nous amène à rechercher la démarche satanique qui y préside. Et ce qui est curieux est que ce vécu considéré comme infernal par les uns, est accompli au nom de la justice, des plus grandes valeurs morales, par les autres. Comme dans les guerres, personne ne prétend se battre au nom du mal. Chacun prétend défendre le bien. Et c’est dans la définition de celui-ci qu’apparaît le conflit. Les Nazis, nationaux socialistes allemands, considérés comme les plus grands criminels, avec les chambres à gaz, camps de concentration, Waffen SS, ont effectivement commis des atrocités. Qui sont présentées, exposées, détaillées pour représenter l’incarnation du mal. Pourtant Hitler et ses collaborateurs avaient hérité d’un pays ruiné. Exsangue ou une inflation galopante menait à la misère une grande partie de la population. Et au nom de l’avènement d’un homme nouveau, d’un arien, grand, blond aux yeux bleus, sportif, dévoué à sa patrie, sobre, respectueux et discipliné, ils avaient relevé le pays, lui donnant un nouvel élan. Construit sur de nouvelles valeurs déterminant de nouvelles règles de vie, un fonctionnement différent de la société. Bien sûr il y eu des oppositions, progressivement réprimés dans le sang. Que nous appelons les résistants, mais qu’ils qualifiaient de vulgaires terroristes. Qui s’expatriaient pour échapper à ce nouveau régime. Je pourrais décrire le régime soviétique à peu près de la même façon. Ils se considéraient et l’essentiel de la population autour d’eux, comme les champions du bien. Ils ne sont devenus de grands criminels et les champions toute catégories du mal, qu’après avoir été vaincus.

 

Me suis-je écarté de mon sujet ? Qui est, reste l’enfer fiscal. Si l’on en croit Jean Paul Sartre, l’enfer, c’est les autres. Dans ce cas, où se situe le paradis ? Supposons que l’on supprime « les autres », seulement par la pensée. Cela me semble suffisant. Que nous reste-t-il ? La solitude peut-elle être le paradis ? Pour y échapper, sans les autres, il faut que je me multiplie. Que je peuple le monde d’être parfaitement semblables à moi. Qui se conduirons comme moi. Qui penseront rigoureusement de la même façon. Dans les mêmes conditions, aux mêmes moments. Je peux l’imaginer, mais la dimension paradisiaque en est absente.

 

Bien sûr, les schémas que je présente sont caricaturaux. Mais ils ne sont en fait que la forme exacerbée des sentiments et idées, qui fondent les mythes des systèmes paradisiaques ou infernaux que nous imaginons.   

 

Le paradis fiscal est un lieu ou un entrepreneur, une entreprise, plus souvent un établissement financier ou un intermédiaire, peut domicilier des affaires (qui peuvent n’être que des mouvements financiers) en ne subissant, de la part des autorités locales, pouvoirs publics, administrations, que des prélèvements considérés comme « légers ».

 

A l’inverse, l’enfer fiscal est un lieu, généralement (mais pas nécessairement) un pays ou une nation ou le montant des prélèvements opérés par l’état, les administrations, les collectivités, est considéré comme « confiscatoire ».

 

Bien sûr, il est ici question de « perspective », la façon de considérer ces critères serait très différente entre un dirigeant d’entreprise, un financier, un militant communiste ou socialiste et un agent du fisc. En fait, seuls les deux premiers seraient susceptibles de considérer l’existence d’un « enfer fiscal ».

 

L’entrepreneur, le dirigeant d’entreprise, le financier, l’homme d’affaires, n’exerce cette fonction que dans l’objectif de gagner de l’argent. C’est ce qu’il en attend et c’est ce que son entourage attend de lui. Il peut, dans d’autres domaines, comme père de famille, ami, mécène, sportif, artiste, avoir d’autres systèmes de valeurs. Mais pas dans les affaires. Le gain financier est le critère de réussite, son absence, voire son insuffisance, sont considérés comme un échec. Et la progression hiérarchique, voire le simple maintien à son poste sont à ce prix. (Sauf dans les administrations et sociétés contrôlées par l’état, où se pratiquent les « parachutes dorés ».)

 

Le gain étant acquis, il faut en considérer le partage. Et contrairement aux idées reçues, personne ne choisit seul les conditions et modalités du partage. Tous ceux qui y ont contribué considèrent avoir un droit, ne serait-ce que de regard, sur les conditions, modalités et bénéficiaires du partage. Et la stratégie, les choix, auront une incidence sur l’avenir de notre homme d’affaires.

 

Il est assez facile de justifier l’attribution d’une part, éventuellement importante, du gain à ceux qui y ont contribué. Il devient beaucoup plus difficile d’accepter que bénéficient du partage ceux qui ont nuit. Qui ont rendu les choses difficiles, compliquées, ont mis « des bâtons dans les roues ».

 

Or il faut bien admettre qu’en France, les autorités, les administrations en général, sont plutôt considérées comme nuisibles que favorables aux affaires. Que lorsqu’une démarche est nécessaire, pour l’obtention d’une autorisation, d’un accord, parfois d’un simple document, le service concerné s’évertue de toutes les façons possibles à chercher le moindre prétexte pour rendre difficile, retarder, refuser le document ou le service nécessaire.

 

Pourtant, en considérant les choses objectivement, toutes les entreprises bénéficient largement d’infrastructures développées, transports, voieries, transmissions, réseaux, soins, logements … Dont le développement et l’entretien sont assurés par les services publics.

 

C’est sans doute pour beaucoup une question de mentalité des agents des services publics. Due pour une bonne part à un manque de valorisation sociale déterminé par la concentration et la centralisation des pouvoirs. L’excès de hiérarchie bureaucratique.

 

Ce sont ces démarches accomplies par leurs auteurs comme bénéfiques, ressenties par leurs assujettis comme sataniques, qui déterminent la fuite de ces damnés vers les paradis fiscaux.

 

Ce n’est bien sûr pas la seule démarche possible et nombreux sont ceux qui font d’autres choix. Je vais prendre un exemple au hasard : le mien. Sans doute n’est-il pas le plus caractéristique, mais il présente l’avantage que je le connaisse complètement. Ce qui n’est le cas d’aucun autre. A mes débuts, comme jeune stagiaire d’un cabinet d’avocat, (au début des années 1970) mon bon Maître se plaignait de ce que les impôts et charges qu’il avait à acquitter représentent 25% des honoraires qu’il percevait. Alors qu’il se souvenait d’une époque où ces prélèvements ne représentaient que 5%. Lorsque j’ai fermé mon cabinet en 1998, le taux des prélèvements s’élevait à 85%. C’est-à-dire qu’il fallait que j’encaisse 1.000 F d’honoraires pour qu’il m’en reste 150. Bien que ceci n’ait pas été la raison de la fermeture, c’est ce qui m’a soulagé et même rendu heureux de le faire. Autant que je puisse le savoir, nombreux sont ceux qui préfèrent limiter, voire réduire leur activité et la production de richesse, plutôt que de devoir s’échiner pour se faire confisquer le prix de leurs efforts.

 

Il me semble qu’un Président de la République, sans doute plus conscient que d’autres de ce problème, avait voulu mettre en place un plafonnement des prélèvements à 50 %. Encore ce taux ne prenait-il pas tout en compte. Pour ceux qui sont éloignés de ces préoccupations, je signale que c’est le taux maximum acceptable. Qu’au-delà, il existe toujours des moyens de l’éviter et que son dépassement entraine toujours une baisse des recettes, d’autant plus forte que l’est l’augmentation des taux. Contrairement au mythe, le rendement d’un impôt n’est pas directement proportionnel à son taux.

 

J’en veux pour exemple la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés qui avait plus rapporté lorsqu’il avait baissé à 25 %, que les années précédentes, où il était à 50 %.

 

Il est de bon ton et l’on entend en permanence dans les débats, vilipender ceux qui utilisent les paradis fiscaux. Proposer des mesures pour l’empêcher ou le combattre. Ce depuis des dizaines d’années avec une efficacité le plus souvent négligeable.

 

Peut-être serait-il temps de prendre en considération les causes, au lieu que de ne jamais traiter que les conséquences ?

 

Passer de l’enfer au purgatoire ? Ce n’est sans doute pas simple, mais encore faudrait-il le vouloir.

 

On dit qu’il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Comment résoudre des problèmes dont on nie l’existence ?

 

L’Enfer vous salue bien !

 

 

                                                                                  Marc Albert CHAIGNEAU

                                                                                  Suresnes 05/06-11/07/2020                                     

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